Le livre « Ne zaboravi » (Ne pas oublier) présente les œuvres réunies de Neziri Nedzmedin - Nedže, écrites entre 1989 et 2018, dans lesquelles l’auteur façonne artistiquement des instants de bonheur dans le quartier rom de Mitrovica ainsi que des souffrances humaines universelles – la douleur, la torture, la persécution causées par diverses injustices.

L'ouvrage s'ouvre sur une pièce de théâtre en un acte, qui illustre de manière symbolique la loi du plus fort et l’absence totale d’empathie pour l’autre. La justice peut véritablement être aveugle, comme en témoigne cette pièce « La Fourmi et les Éléphants », tandis que le poème « Le Lion et la Hyène » offre une résolution allégorique, révélant que le monde est, dans un sens orwellien, une véritable "ferme", où tous sont égaux, mais où certains, malheureusement, possèdent plus de pouvoir, tandis que les peuples minoritaires subissent.

L’auteur exprime son drame personnel et celui de son peuple à travers trois genres littéraires :

• Le théâtre, avec la pièce mentionnée.

• La poésie lyrique, qui va de la réflexion sur l’injustice et la souffrance des victimes – enfants, femmes, ancêtres dont les tombes sont aujourd’hui introuvables – à la poésie patriotique, où il se souvient d’une vie heureuse au bord de l’Ibar, de ses amis de jeunesse et de sa patrie, la Yougoslavie perdue. Il inclut également une poésie amoureuse et familiale, notamment des poèmes écrits pendant son service militaire, dédiés à ses amours de jeunesse.

• L’épopée, qui inclut des récits de grandes souffrances vécues au Kosovo, particulièrement dans la section intitulée « La douleur familiale », où des parents ayant perdu leurs enfants et des enfants ayant perdu leurs parents expriment leur chagrin.

Ces vers révèlent une vérité bouleversante : certaines atrocités restent impunies, et les critères de justice ne sont pas les mêmes pour tous. L'un des poèmes les plus poignants, « L'Orphelin », raconte l’histoire d’un enfant rom adopté par une nouvelle famille aimante, mais qui ne peut cesser de pleurer ses frères et sœurs disparus. Ces vers reflètent avec force les conséquences irréparables de l’injustice.

Mot de l’auteur

Ce livre est dédié à toutes les victimes des guerres contemporaines sur notre belle planète. À ceux qui ont perdu leur destin, leur famille, leurs amis, leurs voisins, et qui ne bénéficient d’aucun droit humain, d’aucune convention ou loi. 

À ceux qui ont perdu leurs proches, leur maison, leur terre natale, dont on a effacé les traces et même les tombes, et qui ont subi l’une des pires injustices du XXIe siècle, sans distinction de religion ou de couleur de peau.

Neziri Nedzmedin

Le quartier rom de Fabricka, à Mitrovica (Rasadnik)

Ce quartier, détruit après l'accord de Kumanovo du 9 juin 1999, était autrefois un foyer pour plus de 1 000 familles. Lorsqu’on a cru que la paix allait enfin revenir, j’ai commencé à photographier et filmer dès mai 1998, pressentant les troubles à venir.

Si vous regardez attentivement les photos, vous verrez que les images et les vers se correspondent parfaitement. Vous constaterez la destruction progressive de notre quartier sous les yeux des "forces de maintien de la paix internationales".

Ce qui nous est arrivé ici n’a même pas été vécu durant la Seconde Guerre mondiale. Notre quartier n’a pas été détruit par les bombardements de l’OTAN, ni par les chars de l’armée yougoslave, mais par des extrémistes albanais, nos propres voisins avec lesquels nous avons vécu pendant des siècles et qui partageaient la même foi que nous.

Chaque mot et chaque maison dans cette collection ont leur propre histoire. Ces images, prises entre 1999 et 2006, témoignent d’une tragédie irréparable.

Marina Đenadić – Une œuvre littéraire essentielle

Le livre « Ne zaboravi » de Neziri Nedzmedin est une contribution significative à la littérature issue des espaces marginalisés et des voix opprimées. L’auteur y explore de manière unique l’histoire, la culture et la tragédie du peuple rom.

À travers trois formes littéraires principales – le théâtre, la poésie et l’épopée –, il construit un récit profondément émotionnel, politiquement engagé et universellement humain. Cette œuvre dépasse le cadre de la littérature pour devenir un document historique, un patrimoine culturel et un témoignage sur une époque et un peuple.

Un cri contre l’oubli

Dès les premières pages, l’auteur confronte le lecteur aux réalités historiques et sociales qui ont façonné le destin des Roms du Kosovo. Il n’hésite pas à exposer des vérités dures et douloureuses, notamment sur les crimes impunis, l’assimilation forcée, la persécution et la destruction de leurs foyers après 1999.

À travers ses souvenirs personnels et des faits historiques documentés, Nedzmedin raconte la résilience d’un peuple qui lutte pour préserver son identité malgré tout.

Dans son introduction, l’auteur décrit avec une honnêteté remarquable la discrimination systémique des Roms à travers l’histoire. Il ne s’agit pas d’une simple accusation amère, mais d’un appel à la vérité, à la justice et à la compréhension. Ce livre devient ainsi un plaidoyer pour l’humanité et la dignité.

Une allégorie puissante

Le cœur du livre est constitué de la pièce de théâtre « La Fourmi et les Éléphants », dont la portée symbolique transcende l’événement historique qu’elle illustre.

À travers le conflit entre la Fourmi et les juges-Éléphants, l’auteur critique l’injustice des institutions internationales et leur traitement des peuples minoritaires.

• La Fourmi, représentant les opprimés, porte la douleur de son peuple.

• Les Éléphants symbolisent le pouvoir froid, distant et parfois corrompu.

Avec une intensité dramatique saisissante, cette allégorie expose les contradictions d’un monde où la justice est souvent absente pour les plus vulnérables.